1980.04.05 Le journal du Dimance "Le livre provocation de Serge Gainsbourg"
Le livre provocation de Serge Gainsbourg
90 pages talentueuses sur le pet
Il aura fallu toute l'autorité de Claude Gallimard, le P.-D. G. des éditions Gallimard, pour que le premier livre de Serge Gainsbourg soit publié. Provocation? Ce très bref roman retrace la vie d'un certain Evguénie Sokolov, affligé d'une maladie dûment répertoriée dans la littérature médicale sous le nom de "météorisme". Evguénie Sokolov a des vents. Nous nous connaissions le "pétomane" qui, au temps de Sarah Bernhardt, s'illustra dans l'histoire du music-hall. Il terminait son numéro par cinq ou six notes de la Marseillaise, ce qui nous ramène à l'oeuvre de Serge Gainsbourg. Evguénie Sokolov est un peintre génial, qui crée l'écoloe de l'hyperabstraction, le jour où, dessinant à l'encre de Chine une aiguille à coudre, un vent opportun contrarie le mouvement de sa main et lui révèle un aspect nouveau de son talent. Dès lors, le météorisme ne se dissocie plus de l'art, jusqu'à la mort provoquée par une explosion au cours d'une électrocoagulation d'hémorroïdes...
Ce livre littéralement provoqué le dégoût de notre chronique littéraire, Annette Colin-Simard, qui n'a pas voulu concéder plus de quelques lignes à ce sujet. "C'est le premier roman, et ésperons-le, le dernier qu'écrira Serge Gainsbourg. Le sujet est d'une grossièreté qui dépasse l'imagination. Quant au talent, il est parfaitement nul. Seul avantage, la couverture noire sied au destin que nous réservons à ce petit torchon: lui creuser rapidement un tombeau dans la terre de notre jardin." L'ouvrage de Gainsbourg est un canular, mais aucun canular n'est innocent. Serge Gainsbourg sait parler gravement de la peinture. Ce musicien fou de Chopin, connaît admirablement sa langue française. Un reproche cependant: cela manque de souffle.