1976.07 Ecran Nr. 48 S. 45-55 "Qu'est-ce qui fait courir Kinski?"

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Qu'est-ce qui fait courir Kinski?

La lecture des "Souvenirs" de Klaus Kinski (Crêver pour vivre, traduit de l'allemand par Michel Leblond, avec la collaboration de Ruth Valentini, Ed. Pierre Belfond, 1976) est rafraîchissante comme un bain de boue. On en sort écoeuré ou fasciné, au choix. Mais certes pas indifférent. Cela commence comme du Céline (enfance misérable, fins de mois difficiles, bicoques sordides), se poursuit sur des rythmes à la Jean Genêt (pédés à ses trousses, prostituées qu'il tringle à la hussarde, prisons où il se retrouve après boire) et se termine en apothéose rimbaldienne (embarquement pour l'Amazonie, où l'appelle Aguirre). ce qui est sûr, c'est que le narrateur a du tempérament. Il tire son coup environ une fois par ligne, ce qui pour un bouquin de trois cents pages constitue une assez jolie performance... Pas une minette en rut, pas une vieille peau sur le retour, pas une journaliste suspendue à ses basques ne lui résiste (à l'entendre). Sa "bouche de pute" fait des ravages. Le héros de "Trois filles et leur mère" était un enfant de choeur à côté.

Dans le Berlin corrompu d'après guerre, Kinski court le cacheton. A Paris, il couche sous les ponts avec les clodos. A Marseille il ramasse les ordures. A Hambourg, il se produit dans les cafés-théâtres en déclamant du Villon (son idole). A Cinecittà il engueule Fellini: "Gonflé, le mec!" On le traite communément de roi des salauds... ou de roi tout court, car il joue (dit-on) la comédie comme un dieu. Ne répugnant pas pour autant à se commettre dans des navets infâmes: cent quarante films au total, dont les quatre cinquièmes n'ont laissé aucune trace. Vous souvenez-vous de Kinski dans Louis II de Bavière (d'Helmut Käutner), Des enfants, des mères et un général ou Et pour quelques dollars de plus? Lui, non. Le cinéma, il le qualifie d'ailleurs d'un mot bien senti: ce n'est ni plus ni moins qu'un gigantesque "merdier". Tirons l'échelle...

Sur ses fiches d'hôtel, Kinski s'amusait à écrire, au grand dam des préposés: "Né: avant Jésus-Christ. Domicilié: au fond des mers. Profession: le plus vieux métier du monde. Signe particulier: émoustillé par l'odeur de crevette des pucelles." Ce livreplein de bruit et de fureur, cette confession catholique "où fusionnent le ciel et l'enfer" vaut donc incontestablement le détour. Mais n'espérez pas de miracle: n'écrit pas "Mort à credit" qui veut.